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Le roi Lear

Уильям Шекспир

William Shakespeare

Le roi Lear

NOTICE SUR LE ROI LEAR

En l'an du monde 3105, disent les chroniques, pendant que Joas rГ©gnait Г  JГ©rusalem, monta sur le trГґne de la Bretagne Leir, fils de Baldud, prince sage et puissant, qui maintint son pays et ses sujets dans une grande prospГ©ritГ©, et fonda la ville de Caeirler, maintenant Leicester. Il eut trois filles, Gonerille, RГ©gane et CordГ©lia, de beaucoup la plus jeune des trois et la plus aimГ©e de son pГЁre. Parvenu Г  une grande vieillesse, et l'Гўge ayant affaibli sa raison, Leir voulut s'enquГ©rir de l'affection de ses filles, dans l'intention de laisser son royaume Г  celle qui mГ©riterait le mieux la sienne. В«Sur quoi il demanda d'abord Г  Gonerille, l'aГ®nГ©e, comment bien elle l'aimait; laquelle appelant ses dieux en tГ©moignage, protesta qu'elle l'aimait plus que sa propre vie, qui, par droit et raison, lui devait ГЄtre trГЁs-chГЁre; de laquelle rГ©ponse le pГЁre, Г©tant bien satisfait, se tourna Г  la seconde, et s'informa d'elle combien elle l'aimait; laquelle rГ©pondit (confirmant ses dires avec de grands serments) qu'elle l'aimait plus que la langue ne pouvait l'exprimer, et bien loin au-dessus de toutes les autres crГ©atures du monde.В» Lorsqu'il fit la mГЄme question Г  CordГ©lia, celle-ci rГ©pondit: В«Connaissant le grand amour et les soins paternels que vous avez toujours portГ©s en mon endroit (pour laquelle raison je ne puis vous rГ©pondre autrement que je ne pense et que ma conscience me conduit), je proteste par-devant vous que je vous ai toujours aimГ© et continuerai, tant que je vivrai, Г  vous aimer comme mon pГЁre par nature; et si vous voulez mieux connaГ®tre l'amour que je vous porte, assurez-vous qu'autant vous avez en vous, autant vous mГ©ritez, autant je vous aime, et pas davantage.В» Le pГЁre, mГ©content de cette rГ©ponse, maria ses deux filles aГ®nГ©es, l'une Г  Henninus, duc de Cornouailles, et l'autre Г  Magtanus, duc d'Albanie, les faisant hГ©ritiГЁres de ses Г‰tats, aprГЁs sa mort, et leur en remettant dГЁs lors la moitiГ© entre les mains. Il ne rГ©serva rien pour CordГ©lia. Mais il arriva qu'Aganippus, un des douze rois qui gouvernaient alors la Gaule, ayant entendu parler de la beautГ© et du mГ©rite de cette princesse, la demanda en mariage; Г  quoi l'on rГ©pondit qu'elle Г©tait sans dot, tout ayant Г©tГ© assurГ© Г  ses deux soeurs; Aganippus insista, obtint CordГ©lia et l'emmena dans ses Г‰tats.

Cependant les deux gendres de Leir, commençant à trouver qu'il régnait trop longtemps, s'emparèrent à main armée de ce qu'il s'était réservé, lui assignant seulement un revenu pour vivre et soutenir son rang; ce revenu fut encore graduellement diminué, et ce qui causa à Leir le plus de douleur, cela se fit avec une extrême dureté de la part de ses filles, qui semblaient penser que tout «ce qu'avait leur père était de trop, si petit que cela fût jamais; si bien qu'allant de l'une à l'autre, Leir arriva à cette misère qu'elles lui accordaient à peine un serviteur pour être à ses ordres.» Le vieux roi, désespéré, s'enfuit du pays et se réfugia dans la Gaule, où Cordélia et son mari le reçurent avec de grands honneurs; ils levèrent une armée et équipèrent une flotte pour le reconduire dans ses États, dont il promit la succession à Cordélia, qui accompagnait son père et son mari dans cette expédition. Les deux ducs ayant été tués et leurs armées défaites dans une bataille que leur livra Aganippus, Leir remonta sur le trône et mourut au bout de deux ans, quarante ans après son premier avénement. Cordélia lui succéda et régna cinq ans; mais dans l'intervalle, son mari étant mort, les fils de ses soeurs, Margan et Cunedag, se soulevèrent contre elle, la vainquirent et l'enfermèrent dans une prison, où, «comme c'était une femme d'un courage mâle,» désespérant de recouvrer sa liberté, elle prit le parti de se tuer[1 - Chroniques de Hollinshed, Hist. of England, liv. II, ch. V, t. I, p. 12.].

Ce rГ©cit de Hollinshed est empruntГ© Г  Geoffroi d