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Jules CГ©sar

Уильям Шекспир

William Shakespeare

Jules CГ©sar

NOTICE SUR JULES CESAR

Parmi les tragГ©dies de Shakspeare que l'opinion a placГ©es au premier rang, Jules CГ©sar est celle dont les commentateurs ont parlГ© le plus froidement. Le plus froid de tous, Johnson, se contente de dire: В«Plusieurs passages de cette tragГ©die mГ©ritent d'ГЄtre remarquГ©s, et on y a gГ©nГ©ralement admirГ© la querelle et la rГ©conciliation de Brutus et de Cassius; mais jamais en la lisant je ne me suis senti fortement agitГ©, et en la comparant Г  quelques autres ouvrages de Shakspeare, il me semble qu'on la peut trouver assez froide et peu propre Г  Г©mouvoir.В»

C'est adopter un principe de critique entiГЁrement faux que de juger Shakspeare d'aprГЁs lui-mГЄme, et de comparer les impressions qu'il a pu produire, dans un genre et dans un sujet donnГ©s, avec celles qu'il produira dans un autre sujet et un autre genre, comme s'il ne possГ©dait qu'un mГ©rite spГ©cial et singulier qu'il fГ»t tenu de dГ©ployer dans chaque occasion, et qui restГўt le titre unique de sa gloire. Ce gГ©nie vaste et vrai veut ГЄtre mesurГ© sur une Г©chelle plus large; c'est Г  la nature, c'est au monde qu'il faut comparer Shakspeare: et, dans chaque cas particulier, c'est entre la portion du monde et de la nature qu'il a dessein de reprГ©senter et le tableau qu'il en fait, que se doit Г©tablir la comparaison. Ne demandez pas au peintre de Brutus les mГЄmes impressions, les mГЄmes effets qu'Г  celui du roi Lear ou de RomГ©o et Juliette; Shakspeare pГ©nГЁtre au fond de tous les sujets, et sait tirer de chacun les impressions qui en dГ©coulent naturellement, et les effets distincts et originaux qu'il doit produire.

Qu'après cela, le spectacle de l'âme de Brutus soit, pour Johnson, moins touchant et moins dramatique que celui de telle ou telle passion, de telle ou telle situation de la vie, c'est là un résultat des inclinations personnelles du critique, et du tour qu'ont pris ses idées et ses sentiments; on n'y saurait trouver une règle générale, sur laquelle se doive fonder la comparaison entre des ouvrages d'un genre absolument différent. Il est des esprits formés de telle sorte que Corneille leur donnera plus d'émotions que Voltaire, et une mère se sentira plus troublée, plus agitée à Mérope qu'à Zaïre. L'esprit de Johnson, plus droit et plus ferme qu'élevé, arrivait assez bien à l'intelligence des intérêts et des passions qui agitent la moyenne région de la vie, mais il ne parvenait guère à ces hauteurs où vit sans effort et sans distraction une âme vraiment stoïque. Le temps de Johnson n'était pas d'ailleurs celui des grands dévouements; et bien que, même à cette époque, le climat politique de l'Angleterre préservât un peu sa littérature de cette molle influence qui avait énervé la nôtre, elle ne pouvait cependant échapper entièrement à cette disposition générale des esprits, à cette sorte de matérialisme moral, qui n'accordant, pour ainsi dire, à l'âme aucune autre vie que celle qu'elle reçoit du choc des objets extérieurs, ne supposait pas qu'on pût lui offrir d'autres objets d'intérêt que le pathétique proprement dit, les douleurs individuelles de la vie, les orages du coeur et les déchirements des passions. Cette disposition du XVIIIe siècle était si puissante qu'en transportant sur notre théâtre la mort de César, Voltaire, qui se glorifiait à juste titre d'y avoir fait réussir une tragédie sans amour, n'a pas cru cependant qu'un pareil spectacle pût se passer de l'intérêt pathétique qui résulte du combat douloureux des devoirs et des affections. Dans cette grande lutte des derniers élans d'une liberté mourante contre un despotisme naissant, il est allé chercher, pour lui donner la première place, un fait obscur, douteux, mais propre à lui fournir le genre d'émotions dont il avait besoin; et c'est de la situation, réelle ou prétendue, de Brutus placé entre son père et sa patrie, que Voltaire a fait le fond et le ressort de sa tragédi